Gishin Funakoshi, le père du Karaté moderne.

Né en 1868 à Shuri (Okinawa),  c'est un nourrisson chétif, et ses parents craignant  que sa vie soit courte, le dorlotent tout particulièrement. Gishin Funakoshi étudie dès son plus jeune âge, avec son grand père, les Classique de Confucius, indispensables à l'éducation des aristocrates. Il entre un peu plus tard à l’école primaire et y fait la connaissance d’un jeune garçon, fils de Yasutsune Azato, un des plus grands experts d’Okinawa-Te.

 

La pratique de toute forme de Te était à l’époque interdite, si bien que les entrainements devaient avoir lieu en secret, les maitres interdisant à leurs élèves de parler de leur apprentissage. Les cours avaient donc lieu la nuit, au domicile d’Azato. Apres quelques années de pratique, Funakoshi se rendit compte des bienfaits de l’entrainement, sa santé s’était incroyablement renforcé, il n’était plus le nourrisson chétif que ses parents avait connu.

 

« Chaque nuit, je répétais un kata sous le regard d’Azato. Je continuais semaine après semaine, parfois mois après mois, jusqu'à donner toute satisfaction à mon professeur. Cette répétition du même kata était pénible, parfois humiliante. Mais la pratique était stricte et je n’aurais jamais obtenu l’autorisation de passer à un nouveau kata avant d’avoir suffisamment compris celui sur lequel je travaillais* »

 

Maitre Azato résidait entre Naha et Shuri, et il était ami avec maitre Itosu. Ce dernier et maitre Azato étaient physiquement très différents. Azato était grand, avec une large carrure et un regard perçant de Samouraï. Itosu était lui plus petit, avec des bras énormes et sa large poitrine lui donnait une allure de barrique, mais son visage barbu semblait extrêmement bienveillant.

 

Tous les deux étaient de redoutables combattants, et Funakoshi se plait à narrer quelques anecdotes sur ses maitres dans ses différents ouvrages. Azato et Itosu étaient amis, et se respectaient mutuellement, si bien qu’Azato confia l’enseignement martial de son fils à Itosu, comme cela se faisait beaucoup au Japon. Il est difficile d’enseigner l’art à ses propres enfants.

 

Funakoshi, qui était instituteur (et le resta durant 30 ans), continua ainsi à s’entrainer avec maitre Azato et Itosu pendant de longues années, et en 1902, l’étude de l’Okinawa Te fut introduite à l’école. Funakoshi, quelques années plus tard, fit faire une démonstration par ses élèves d’école primaire, devant un Amiral de l’empereur. Et en 1912, quelque temps après cela, accostèrent à Okinawa les troupes de l’empereur, dirigés par l’Amiral Dewa. Une douzaine de soldat étudièrent avec Funakoshi les rudiments du Te durant une semaine. L’enthousiasme de l’Amiral fut tel, que le Te d’Okinawa commença enfin à être connu.

 

En 1921, le prince, futur empereur du Japon, fit une halte à Okinawa, et demanda à voir une démonstration de l’art martial dont il avait tant entendu parler par ses amiraux et soldats. Funakoshi fut chargé d’effectuer cette démonstration, qui eut lieu au château de Shuri.

 

Vers la fin 1921, Funakoshi se rend à Tokyo, missionné par la préfecture d’Okinawa pour y faire une démonstration de son art, et il décide de rentrer à Okinawa dès la manifestation achevée. C’est sans compter sur Jigoro KANO  (président de la Kodokan de Judo), qui, interpellé par l’Okinawa Te, lui demande de faire une démonstration au Kodokan. Funakoshi accepte vu l’insistance de Kano, et repousse son départ.

 

Il ouvre à Tokyo sa première école en 1922, le Dojo est une petite salle d’étude, et il ne compte que quelques élèves. De plus, il souffre financièrement, ce qui l’oblige à faire tout un tas de petits travaux (surveillant, jardinier, balayeur…) pour payer sa chambre.

« A cette époque, les la, les interviews personnelles dans les journaux étaient rares … Un jour pourtant un journaliste vint au dortoir. J’étais en train de balayer l’allée du jardin et il me prit visiblement pour un domestique.

-          Ou puis je trouver M. Funakoshi, le professeur de Karaté demanda t’il ?

-          Un moment monsieur, dis-je avant de me sauver.

Je montais rapidement dans ma chambre ou je revêtais mon kimono d’apparat avant de revenir dans l’entrée ou attendait le journaliste.

            - Comment allez-vous ? Demandais-je. Je suis Funakoshi. Je n’oublierai jamais son expression de surprise quand il comprit que le jardinier et le professeur de Karaté ne faisaient qu’un ! »* 

 

L’art de Funakoshi suscite de plus en plus d’intérêt, et attire de plus en plus d’élèves, sa situation financière s’améliore. Apres quelques années, en 1935, son rêve se réalise enfin. Un comité de soutien collecte suffisamment de fonds pour construire le 1er Dojo de Karaté du Japon. Et par la même occasion tous les styles d’Okinawa Te seront réunis sous le nom de KARATE DO, la voie de la main vide.

 

« Ce n’est pas sans une pointe de fierté qu’au printemps de 1936 je pénétrai pour la première fois dans le Dojo …. Et remarquai au dessus de la porte un panneau portant le nom du Dojo tout neuf : SHOTOKAN. Je ne m’étais pas douté que le comité aurait choisi le pseudonyme sous lequel j’écrivais des poèmes chinois dans ma jeunesse. »*

 

« On me demande souvent comment j’avais jadis choisit le pseudonyme de Shoto, qui devint le nom du nouveau Dojo. Ce mot en Japonais signifie littéralement Vagues de Pins. Shuri, ma ville natale est entourée de collines couvertes de pins et de végétation subtropicale. Parmi elles se trouve le mont Tarao. Le mot Tarao signifie queue de Tigre….. J’aimais déjà enfant m’isoler dans la nature et jouir de la solitude tout en écoutant le vent siffler dans les branches des grands pins me semblait le meilleur moyen de parvenir à la paix de l’esprit que le Karaté exigeait. Aussi n’avais je pas trouvé de meilleur nom que Shoto pour signer les poemes. »*

 

Une fois la seconde guerre mondiale achevée, les Américains basés au Japon s’intéressèrent au Karaté, et Funakoshi fut sollicité par l’armée pour diverses démonstrations.

 

« Le Karaté fraya son propre chemin de paix jusqu’au continent américain. Le Karaté do qui dans ma jeunesse était une activité locale et clandestine, était devenu un art martial Japonais… Il était connu du monde entier…. Une fois ce livre terminé, je devrai me lancer dans un nouveau projet, celui d’envoyer à l’étranger des experts japonais »*

 

 

Gishin Funakoshi s'éteindra le 26 avril 1957 à 88 ans, alors que ses parents en le voyant, nourrisson prématuré, si chétif, pensait qu'il partirait avant l'age de 3 ans.

 

 

 

* Extraits de Karaté Do, ma voie, ma vie, de Gishin Funakoshi

 


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